Les modalités de paiement : à la recherche d’un « gagnant-gagnant » dans la relation client-prestataire
Par Christian Boissin.
L’une des principales problématiques lors de la structuration des contrats des projets est la recherche de la modalité de paiement la plus adaptée en fonction de l’identification des besoins du client, de sa volonté à inciter le prestataire à optimiser ses ressources et/ou de procéder à un partage des risques.
Plusieurs types de modalités de paiement sont donc envisageables sur les projets. Toutefois, pour appréhender correctement les modalités de paiements et choisir la plus opportune pour le projet concerné, il ne faut jamais perdre de vue l’importance de la rentabilité pour une entreprise. Nombre de chefs de projet confondent les implications liées à la rentabilité avec celles liées à la facturation. Il est important de savoir faire la distinction entre ces deux concepts : l’activité d’un prestataire qui facture davantage et plus rapidement n’est pas nécessairement rentable et ne procure pas forcément un bénéfice si les coûts du prestataire sur le projet sont à peine absorbés par les revenus issus de la facturation. Dans ce cas, les activités facturées produiront des liquidités mais peu ou pas de bénéfices. Pour cette raison, les modalités de paiement doivent être adaptées en fonction de leur contexte d’application.
Il est assez fréquent de rencontrer des contrats qui ont été inutilement complexifiés car leur contractualisation s’est déroulée dans une optique opportuniste de signer ou d’attribuer un contrat « à tout prix » en respectant les politiques internes des parties contractantes concernées. Le constat est le suivant : par manque de clarifications et de structurations de l’appel d’offres, ces contrats sont, concernant certains aspects, souvent mal rédigés et finalement défavorables tant au client qu’au prestataire. En général, les modalités de paiements reflètent les relations client-prestataire, et quand nous sommes réellement dans une optique gagnant-gagnant, les contrats et les modalités de paiement qu’ils prévoient sont clairs et faciles à comprendre.
Il est généralement convenu que les contrats à coûts remboursables (régie) sont favorables aux prestataires alors que les contrats à prix fixes (forfait) sont favorables aux clients. Cela est parfois vrai mais pas toujours. Dans certains cas, la modalité de paiement en remboursable peut permettre au client de bénéficier des économies identifiées par le prestataire et lui être favorable (par exemple bénéficier d’un taux de TVA réduite). La modalité de paiement à prix fixe convient uniquement lorsque le client sait identifier et décrire exactement ce qu’il va réaliser et ne modifie pas ses besoins en cours d’exécution de son projet. Cependant, l’expérience montre que le client est souvent pris au piège d’un besoin complexe à formuler ; cette complexité a tendance à s’accroitre en fonction du nombre de processus et d’interfaces des projets.
Dans un souci de pragmatisme, il est possible de combiner dans un même contrat plusieurs modalités de paiement afin de prendre en compte, par exemple, si le besoin du client est correctement défini ou non, la criticité du planning, la prise de risque acceptée par les parties, etc. De même, il est également possible de prévoir une clause dite de « révision des prix » ou de « ajustement économique du contrat ». Celle-ci s’applique généralement quand les acteurs souhaitent préserver leurs bonnes relations dans la durée et se protéger d’impacts exogènes sur lesquels ils n’auraient aucun contrôle. D’une manière générale, cette clause fait référence à un ou plusieurs indice(s) qui permet(tent) de mettre à jour le prix final de la prestation globale. Les variables d’ajustement se font sur des éléments prédéfinis tels que l’inflation, la variation de prix des matières premières ou l’évolution du coût de la main d’œuvre – il existe également des indices composites construits par l’assemblage de plusieurs indices qui ont été pondérés.
Le recours à la modalité de paiement du « cost + fee » est une bonne illustration de la recherche d’une optique gagnant-gagnant. Cette modalité de paiement peu utilisée en France a déjà fait ses preuves sur certains projets internationaux, notamment sur le continent américain. Lorsque le client souhaite inciter le prestataire à réaliser des économies sur ses prestations, il a recours à cette variante de la régie – à ne pas confondre avec la modalité de paiement en « remboursable plus marge ». L’exemple ci-dessous illustre l’application du « cost + fee ».
A titre préliminaire, l’application du « cost + fee » nécessite la détermination des éléments suivants :
- le volume de la prestation estimée au début du contrat ; et
- la rémunération totale subdivisée de la manière suivante :
- une part « variable » rémunérée au taux de régie, réduite du profit et d’une part des frais généraux du prestataire ; et
- une part fixe (étant précisé que le niveau de frais généraux inclus dans la part fixe définit la « sévérité » du contrat).
Prenons l’exemple du contrat suivant :
Le volume de la prestation estimé: 1000 h
Taux de la part variable: 80 €/h
Part fixe 20€/h x 1000 h: 20 000 €
- Cas 1 : pour 1 200 heures dépensées, la facturation est : 116K€ (1 200 x 80 + 20 000)
- Cas 2 : pour 1 000 heures dépensées, la facturation est : 100K€ (1 000 x 80 + 20 000)
- Cas 3 : pour 800 heures dépensées, la facturation est : 84K€ (800 x 80 + 20 000)
Mesure de la rentabilité de l’opération :
- Dans le premier cas les heures sont rémunérées à 96,76€/h
- Dans le second cas les heures sont rémunérées à 100€/h
- Dans le troisième cas les heures sont rémunérées à 105€/h
Grâce à la détermination de la part fixe, le prestataire est encouragé à réduire sa consommation d’heures pour la prestation de façon à améliorer sa marge unitaire et donc sa rentabilité.
Le schéma ci-dessous nous permet de visualiser la comparaison en termes de rentabilité avec la régie :
Dans le tableau ci-après sont reprises les principales modalités de paiement que j’utilise, ces modalités de paiement sont accompagnées par des informations qui nous permettent de faire un choix lorsqu’il s’agit de décider quel est le type de modalité de paiement le mieux adapté à nos projets.
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Jean-Charles Savornin
Comments (4)
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du contract management
Merci pour cet article très intéressant qui montre comment les Termes de paiement méritent beaucoup plus d’attention dans le cadre des négociations. Pour ma part, je suis attentif aux déviations que les soumissionnaires présentent sur ce topic lors de l’analyse des offres; ce peut être un critère à évaluer fort révélateur
Effectivement Vincent, un soumissionnaire qui prête attention à ce point « sort du lot ». Ce peut être révélateur d’une bonne gestion, via une maîtrise du BFR.
bonjour
Merci pour ce billet bien documenté/instructif. Dans les contrats clé en main, les MOA et AMO ont largement recours à la facturation au forfait associé à des pénalités de retard ou/et lieés à l’atteinte d’un niveau de performances.
Effectivement Guillaume, alors que des éléments en régie ou à l’objectif, y compris dans un clé en main, sont parfois les bienvenus.